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ALVISE.

Mais qui donc vous a si bien informée, madame ?… Je ne vous ai pas perdue de vue de la soirée.

COSIMA.

Qu’importe ? je le sais !… Je m’exposerai à votre juste colère, plutôt que de vous laisser partir… Oh ! méprisez-moi, haïssez-moi !… mais n’exposez pas votre vie pour moi !… Oh ! je ne le mérite pas !

ALVISE.

Mais je veux savoir, moi, pourquoi vous dites que je vais me battre… Y a-t-il donc un démon familier qui remplit de délations et de parjures l’air que je respire ?

LE CHANOINE.

On vous a trompée, Cosima. Votre imagination vous suggère de folles terreurs. Alvise n’eut pas les projets que vous supposez. Il ne les aura jamais… Restez, ma fille. Je sors avec lui. Ma présence à ses côtés doit dissiper toutes vos craintes.

COSIMA.

Non, non, il vous échappera… On l’attend, j’en suis sûre.

ALVISE.

On vous a fait un lâche mensonge, madame !…

COSIMA, éperdue.

Non ! j’étais là !… j’étais chez Ordonio, aujourd’hui, quand vous y êtes venu… Vous voyez bien que je suis indigne de votre colère, et que toute votre vengeance doit être l’abandon et le mépris !…

Elle tombe à genoux.
ALVISE, atterré.

Vous étiez là !… Mon père, vous l’entendez… Elle a été chez lui, elle était chez lui, elle était enfermée avec lui !… cachée, enfermée avec Ordonio Éliséi ! — mon Dieu ! je te prends à témoin ! Je ne suis pas un homme de sang ; jamais je n’avais senti la haine, jamais je n’avais fait un serment impie, jamais je n’avais souhaité la perte de mon semblable !… Et j’aimais cette femme, je la respectais encore ! Je