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Ne vous appuyez jamais sur ces gens-là. Ne faites pas la faute que vont commettre beaucoup de gens sincères et honnêtes qui voteront pour eux ou pour les cléricaux en haine de la dictature de Bordeaux. Ils choisissent entre deux maux celui qui leur paraît le moindre. Au fond, ils sont républicains quand même. Dans cette limite de la légalité et de la liberté des suffrages, toute la France est républicaine sans le savoir ; mais la réalisation de leur idée et de leur instinct est sans cesse combattue par le fait ; c’est ainsi qu’il arrive que ce que l’on signe et ce que l’on fait n’est pas souvent l’expression de ce que l’on pense et de ce que l’on veut. Nous en sommes là !

Je pense bien à vous, allez ! au milieu de cette tourmente, ma pensée se reporte sans cesse sur cette valeur méconnue, sur cette force brisée qui est vous.

Je ne m’y trompe pas, vous pourriez, non pas nous sauver (en ce moment, personne ne le peut), mais nous être grandement utile. Eh bien, ce que votre valeur personnelle pourrait faire, votre situation compromise vous en empêche, c’est la faute de Sedan. La blessure est trop fraîche, votre grand nom est une épouvante. Son prestige a disparu. Si Napoléon III ne peut plus l’invoquer, que lui reste-t-il ? Il faut beaucoup de temps pour que l’on voie assez clair pour séparer votre cause de la sienne. Ses séïdes vous repoussent, ses ennemis ne vous connaissent pas ou vous méconnaissent.

Mais le temps marche et avec lui la justice. Sup-