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une lettre de Plauchut, du 15. Il allait au spectacle, le soir. On jouait le Champi, au profit des ambulances. Il a dû être de la sortie du 18, ainsi que d’autres qui m’ont écrit le 17, pour me recommander leurs mères, leurs femmes, même leurs maîtresses, s’ils ne rentraient pas ! Dans la nuit du 16, Lambert[1] et la villa des peintres, nos amis, ont fait le déménagement des femmes et des enfants au milieu des obus, se couchant par terre à chaque instant pour n’être pas atteints.

À l’Odéon, qui est devenu une ambulance, des actrices, devenues infirmières, appelaient les pompiers et descendaient les blessés dans les caves. Dans ma maison, un obus fracassait les meubles. — Plauchut y a été le lendemain pour descendre les bibelots dans la cave. Ils se portaient tous bien.

Nos chers amis se réjouissaient d’avoir perdu leur ventre et plaisantaient dans le feu. Et la France ne peut pas et ne sait pas les sauver ! C’est à crever de rage et à mourir de chagrin.

Oui, nous irons vous trouver si nous sommes exposés aux outrages et aux cruautés de l’invasion. Ce serait déjà fait, si Maurice consentait à quitter le pays. Il pense toujours qu’on peut l’appeler à la défense. Mais rien ne se fait. Il ne rit pas de votre artillerie. Il vous embrasse. Nous vous embrassons tous. Mille tendresses à Solange et à Françoise. Et Anaïs ? où est-elle ? Vous ne m’en parlez pas.

  1. Eugène Lambert, le peintre des chats.