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DCCLXXVIII

À M. JULES BOUCOIRAN, À NÎMES


Nohant, 17 janvier 1871.


Cher bon ami, merci du bon souvenir. Nous sommes tout attendris d’être le sujet de vos préoccupations et de vos rêves. Jusqu’à présent, nous jouissons d’une tranquillité matérielle qui rend, je crois, plus douloureux le sentiment de ce que souffrent les autres.

Et ce brave Paris, qui est bombardé à toute heure, et qui lutte contre les horreurs de la guerre ! quelle époque ! quelle agonie ! On se demande si la France est assez bien dirigée pour faire tout ce qu’elle peut ! Je crois encore à sa vitalité, à son héroïsme ; mais il faudrait de l’unité dans l’effort et nous ne sommes pas sûr qu’il y en ait.

Nous ne voyons, il est vrai, que le détail. Peut-être y a-t-il lieu d’espérer beaucoup encore. Mais, d’où nous sommes, tout paraît noir. Nous songeons toujours à nous en aller en cas d’invasion, sans savoir où nous irons, puisque, de tous côtés, la variole pernicieuse envahit le Midi. Ici, elle a fait son ravage ; mais les fléaux se succèdent sans relâche. À présent, c’est la peste bovine qui nous entoure et nous menace. Nous sommes arrivés à la pauvreté, nous avons à attendre