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ne veux plus entendre parler du mythe bonheur. Tu admires ma sérénité ; elle ne vient pas de mon fonds, elle vient de la nécessité où je suis de ne plus penser qu’aux autres. Il n’est que temps, la vieillesse marche et la mort me pousse par les deux épaules.

Je suis encore, sinon nécessaire, du moins extrêmement utile aux miens, et j’irai tant que j’aurai un souffle, pensant, parlant, travaillant pour eux.

Le devoir est le maître des maîtres, c’est le vrai Zeus des temps modernes, fils du Temps et devenu son maître. Il est celui qui vit et agit en dehors de toutes les agitations du monde. Il ne raisonne pas, il ne discute pas. Il examine sans effroi ; il marche sans regarder derrière lui ; Cronos le stupide avalait des pierres, Zeus les brise avec la foudre, et, la foudre, c’est la volonté. Je ne suis donc pas un philosophe, je suis un serviteur de Zeus, qui ôte la moitié de leur âme aux esclaves, mais qui la laisse entière aux braves.

Je n’ai plus le loisir de penser à moi, de rêver aux choses décourageantes, de désespérer de l’espèce humaine, de regarder mes douleurs et mes joies passées et d’appeler la mort.

Parbleu ! si on était égoïste, on la verrait venir avec joie ; c’est si commode de dormir dans le néant, ou de s’éveiller à une vie meilleure ! car elle ouvre ces deux hypothèses ou, pour mieux dire, cette antithèse.

Mais, pour qui doit travailler encore, elle ne doit pas être appelée avant l’heure où l’épuisement ouvrira les