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en toi-même une force naturelle qui défie les si et les mais du bavardage humain. Nous sommes de la nature, dans la nature, par la nature, et pour la nature. Le talent, la volonté, le génie, sont des phénomènes naturels comme le lac, le volcan, la montagne, le vent, l’astre, le nuage. Ce que l’homme tripote est gentil ou laid, ingénieux ou bête ; ce qu’il reçoit de la nature est bon ou mauvais ; mais cela est, cela existe et subsiste. Ce n’est pas au tripotage d’appréciation appelé la critique, qu’il doit demander ce qu’il a fait et ce qu’il veut faire. La critique n’en sait rien ; son affaire est de jaser.

La nature seule sait parler à l’intelligence une langue impérissable, toujours la même, parce qu’elle ne sort pas du vrai éternel, du beau absolu. Le difficile, quand on voyage, c’est de trouver la nature, parce que partout l’homme l’a arrangée et presque partout gâtée ; c’est pour cela que tu t’ennuies d’elle probablement, c’est que partout elle t’apparaît déguisée ou travestie. Pourtant les glaciers sont encore intacts, je présume.

Mais je ne peux plus écrire, il faut que je te dise vite que je t’aime que je t’embrasse tendrement. Donne-moi de tes nouvelles. J’espère que, dans quelques jours, je serai sur pieds. Maurice attend pour partir que je sois vaillante : je me dépêche tant que je peux ! Mes petites t’embrassent, elles sont superbes. Aurore se passionne pour la mythologie (George Cox, traduction Baudry). Tu connais cela ? Travail adorable