Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cave si les Prussiens entraient dans Paris. Tuons-les, ces Prussiens, mais ne les haïssons pas. Ils sont féroces, dit-on. Qui donc, à la guerre, n’est pas monté à ce diapason qui crève l’instrument de l’âme ?

Faire une révolution maintenant serait coupable ; elle était possible à la nouvelle de nos premiers revers, quand les fautes du pouvoir étaient flagrantes ; à présent, il cherche les réparer. Il faut l’aider. La France comptera avec lui après. Les élections seront son arme, qui vaut les mitrailleuses ; mais désorganiser un gouvernement et le réorganiser en deux jours, quand l’ennemi est là, ce serait le comble de la démence aujourd’hui.

Tu me demandes si j’ai quelque chose de précieux à cacher rue Gay-Lussac. Tous mes bibelots me sont précieux, ce sont des souvenirs ; mais il y aura tant d’autres choses plus précieuses, tant de têtes cassées, si les Prussiens nous pillent, que je ne songerai guère à mon dommage.

Ce qui a le plus de valeur chez moi, c’est ma belle esquisse de Delacroix, dans le salon ; mais où la mettre ? Me l’envoyer, non. Nous ne pensons pas que Nohant soit autant à l’abri qu’on se le figure. Si l’ennemi est écrasé, nous aurons partout des bandes de mauvaise humeur qui s’enfuiront par le centre et nous n’avons pas une cartouche pour nous défendre.

La mobile est partie, sans armes ; par conséquent, on ne nous en donne pas. Et puis nous aurons probablement d’autres bandes pires : les vagabonds et