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DCCCLVI

À GUSTAVE FLAUBERT, À CROISSET


Nohant, 5 juillet 1872.


C’est aujourd’hui que je veux t’écrire. Soixante-huit ans. Santé parfaite, malgré la coqueluche qui me laisse dormir depuis que je la plonge tous les jours dans un petit torrent furibond, froid comme glace. Cela bouillonne dans les pierres, les fleurs, les grandes herbes sous un ombrage délicieux. C’est une baignoire idéale.

Nous avons eu des orages terribles : le tonnerre est tombé dans notre jardin, et notre ruisseau d’Indre est devenu un gave des Pyrénées, ce n’est pas désagréable. Quel été splendide ! Les graminées ont sept pieds de haut, les blés sont des nappes de fleurs. Le paysan trouve qu’il y en a trop ; mais je le laisse dire, c’est si beau ! Je vais à la rivière à pied, je me mets toute bouillante dans l’eau glacée. Le médecin trouve que c’est fou ; je le laisse dire aussi, je me guéris pendant que ses malades se soignent et crèvent. Je suis de la nature de l’herbe des champs : de l’eau et du soleil, voilà tout ce qu’il me faut.

Es-tu en route pour les Pyrénées ? Ah ! je t’envie, je les aime tant ! J’y ai fait des courses insensées ; mais