Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


DCCCXLVII

À GUSTAVE FLAUBERT, À CROISSET


Nohant, 17 mars 1872.


Je ne veux pas de ça ; tu n’entres pas dans la vieillesse. Il n’y a pas de vieillesse dans le sens hargneux et misanthrope. Au contraire, quand on est bon, on devient meilleur, et, comme déjà tu es meilleur que la plupart des autres, tu dois devenir exquis.

Tu te vantes, au reste, quand tu te proposes d’être en colère contre tout et tous. Tu ne pourrais pas. Tu es faible devant le chagrin comme tous ceux qui sont tendres. Les forts sont ceux qui n’aiment pas. Tu ne seras jamais fort, et c’est tant mieux. Il ne faut pas non plus vivre seul ; quand la force revient, il faut vivre et ne pas la renfermer pour toi seul.

Moi, j’espère que tu vas renaître avec le printemps. Voilà la pluie qui détend ; demain, ce sera le soleil qui ranime. Nous sortons tous d’être malades, nos filles rudement enrhumées, Maurice assez secoué par une courbature avec froid, moi reprise de frissons et d’anémie ; je suis bien, bien patiente et j’empêche tant que je peux les autres de s’impatienter, tout est là ; l’ennui du mal double toujours le mal. Quand serons-nous sages comme les anciens l’entendaient ? cela, en