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qu’il vous faut à l’heure qu’il est, parce qu’elle ne vous enchaîne à rien, à personne, et vous assure une autorité, une défense, une action que vous n’avez pas vis-à-vis de la critique. Vous devez trouver des capitaux pour une entreprise de ce genre. Vous pourriez reprendre et relever des Revues tombées, qui avaient leur valeur et qui n’ont sombré que faute d’activité et de savoir pratique. On vous accuse de vouloir être député ou directeur de théâtre ; alternative risible qui a dû vous faire rire le premier ; mais directeur d’une belle et bonne Revue politique et littéraire, c’est un poste avancé qui a sa dignité et sa force, parce qu’il est indépendant, parce qu’il fonctionne et ne subit pas. Si j’avais la jeunesse et quelque sens pratique des affaires, je n’hésiterais pas, pour mon compte ; mais, si vous prenez le commandement, je vous suivrai en bon soldat et bien d’autres se rallieront à vous et vous soutiendront.

Pesez mon idée pendant que le fer est chaud. Je crois le moment favorable à l’inauguration d’une critique nouvelle ; celle que vous savez faire précisément. L’esprit français flotte entre les turpitudes et les rengaines. La Revue des Deux Mondes a eu tort de n’avoir pas publié tout de suite in extenso la Lettre de Junius. Elle aurait perdu quelques abonnés en Allemagne (c’est là probablement que le bât la blesse), mais elle en aurait gagné en France ; elle va se poser en officine diplomatique, apparemment. Faites donc une Revue pour la France et soyez l’expression vraie, le