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DCCXLIV

À M. HENRY HARRISSE, À PARIS


Nohant, 13 août 1870.


Cher ami,

Vous devinez bien ce que je pense. Je suis désolée et non abattue. Inutile d’échanger nos réflexions sur ces terribles événements. Elles sont les mêmes ; mais il faut que je vous dise ce que vous ne savez pas à Paris, ce qui se passe dans nos campagnes, les plus paisibles, les plus patientes, les moins révolutionnaires de la France, à cause de leur position centrale et du manque relatif de communications rapides. Eh bien, c’est une consternation, une fureur, une haine contre ce gouvernement, qui me frappe de stupeur ; Ce n’est pas une classe, un parti[1] : c’est tout le monde, c’est le paysan surtout. C’est une douleur, une pitié exaltées pour ces pauvres soldats qui sont leurs enfants ou leurs frères.

Je crois l’Empire perdu, fini. Les mêmes hommes qui ont voté le plébiscite avec confiance voteraient au-

  1. Il est même remarquable que le petit nombre de républicains que nous avons soit le groupe le plus calme et le plus muet.
    (Note de George Sand.)