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tous côtés, on se met à faire ce que nous faisons : on démolit César, avec un peu plus ou un peu moins d’indulgence ou de passion ; la critique le découronne généralement et il ne sortira pas blanc de la sellette où le livre impérial le fait asseoir. Bien peu de gens, en somme, savent l’histoire, et il est bon qu’on leur mette le nez dessus. Le livre n’aura pas de succès. C’est un talent froid et concis, sans profondeur réelle et qui n’a d’intérêt littéraire que pour les gens du métier. Encore tous ne sont pas comme moi, qui suis un peu panthéiste en fait d’art et qui aime toutes les manières, celles qui sont un peu exubérantes et celles qui ne le sont pas du tout. J’aime ce qui est bien fait, n’importe par quel procédé, et, pour mon compte, je n’en ai pas, ou, si j’en ai, c’est sans m’en rendre compte. Les lettrés sont généralement plus forts que moi sur ce point, et, quant au gros public, peu lui importe qu’on serve l’erreur ou la vérité, pourvu qu’on l’amuse ou l’étonne. Or il ne trouvera dans le livre impérial rien d’assez épicé pour lui et il ne l’achètera pas, ç’a été ma première impression. Heureusement que les éditeurs n’ont pas de droits d’auteur à payer ; car ils auraient fait là une mauvaise affaire.

Mais en voilà bien assez sur cela.

Quel rude et long hiver ! J’attends la chaleur avec impatience. Du reste, je me plais ici : pays charmant, braves gens, solitude, silence, ouvriers avancés et pourtant sages, paysans laborieux, culture admirable, ni mendiants ni voleurs, pas de Parisiens, pas de flâ-