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DXLIV

À M. ÉDOUARD RODRIGUES, À PARIS


Nohant, 12 janvier 1864.


… J’ai le droit de mépriser mon argent, ce me semble. Je le méprise en ce sens que je lui dis : « Tu[1]

  1. vautour ? Et je ne sais pas qui est-ce qui gagnerait à ce qu’il en fût autrement.

    Ce ne serait pas Prométhée, toujours ! Le voyez-vous réconcilié avec Jupiter et bien en cour ? voyez-vous Jeanne Darc finissant dame d’honneur de la reine, et Jésus ministre de Tibère !

    Ce ne serait pas la vertu non plus. Vous dites qu’elle est plus contagieuse quand elle est récompensée ; je crois le contraire, et qu’il n’y a pas de plus grande propagande que le martyre. Supprimez la croix et vous supprimez peut-être le christianisme.

    Pour redescendre à ma pièce, il me semble que Jean Baudry serait considérablement diminué, et avec lui l’enseignement qu’il personnifie, s’il était aimé d’Andrée à la fin. Je doute que Roméo et Juliette fussent touchants à perpétuité s’ils s’étaient mariés tranquilles et s’ils avaient eu beaucoup d’enfants. Je ne repousse pas absolument les dénouements heureux, mais je les crois d’abord moins vrais, ensuite moins efficaces. Je vous avoue que Tartufe cesse presque de m’être odieux au moment où on l’arrête.

    La moralité n’est pas dans le fait, mais dans l’impression du fait. Puisque vous regrettez que Jean Baudry ne soit pas heureux, l’impression finale est donc pour la vertu.

    Je trouve qu’Andrée rendrait un mauvais service à la vertu et