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beauté, de force et de race que possédait mademoiselle Georges ; mais j’avouerai que son talent ne m’émouvait que quand j’étais émue par la situation même. Il me semble que Marie Laurent me ferait pleurer à elle seule. Elle a eu, comme mademoiselle Georges, au premier acte, son cri terrible de lionne blessée : « Assez ! assez ! » Mais, au dernier acte, quand elle se traîne aux pieds de Gennaro, elle est si humble, si tendre, si suppliante ; elle a si peur, non d’être tuée, mais d’être tuée par son fils, que tous les cœurs se fondent comme le sien et avec le sien. On n’osait pas applaudir, on n’osait pas bouger, on retenait son souffle. Et puis toute la salle s’est levée pour la rappeler et pour l’acclamer en même temps que vous.

Vous n’avez jamais eu un Alphonse d’Este aussi vrai et aussi beau que Mélingue. C’est un Bonington, ou mieux, c’est un Titien vivant. On n’est pas plus prince et prince italien, prince du xvie siècle. Il est féroce et il est raffiné. Il prépare, il compose et il savoure sa vengeance en artiste, avec autant d’élégance que de cruauté. On l’admire avec épouvante, faisant griffe de velours comme un beau tigre royal.

Taillade a bien la figure tragique et fatale de Gennaro. Il a trouvé de beaux accents d’âpreté hautaine et farouche, dans la scène où Gennaro est exécuteur et juge.

Brésil, admirablement costumé en faux hidalgo, a une grande allure dans le personnage méphistophélique de Gubetta.