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DCCXIX

À GUSTAVE FLAUBERT, À CROISSET


Nohant, 9 janvier 1870.


J’ai eu tant d’épreuves à corriger, que j’en suis abrutie. Il me fallait cela pour me consoler de ton départ, troubadour de mon cœur.

On continue à abîmer ton livre. Ça ne l’empêche pas d’être un beau et bon livre. Justice se fera plus tard, justice se fait toujours. Il n’est pas arrivé à son heure apparemment ; ou plutôt, il y est trop bien arrivé : il a trop constaté le désarroi qui règne dans les esprits ; il a froissé la plaie vive ; on s’y est trop reconnu.

Tout le monde t’adore ici, et on est trop pur de conscience pour se fâcher de la vérité : nous parlons de toi tous les jours. Hier, Lina me disait qu’elle admirait beaucoup tout ce que tu fais, mais qu’elle préférait Salammbô à tes peintures modernes. Si tu avais été dans un coin, voici ce que tu aurais entendu d’elle, de moi et des autres :

« Il est plus grand et plus gros que la moyenne des êtres. Son esprit est comme lui, hors des proportions communes. En cela, il a du Victor Hugo, au moins autant que du Balzac ; et il est artiste, ce que Balzac