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de prévoyance. On ne m’avait pas dit que cette pièce eût un certain mérite et que Berton en jouait le principal rôle. À présent, les choses se passent de façon à me remettre au mois de mars. Dois-je consentir à cela ? M. Latour Saint-Ybars peut-il avoir des droits qui priment les miens ? n’ai-je pas celui de dire que j’ai cédé à une éventualité qui ne se réalise pas, celle d’arriver en janvier, février au plus tard, et que je ne cède plus mon tour ?

Je te demande ton avis ; si je consultais un homme d’affaires, il me pousserait à faire prévaloir mon droit ; mais je ne m’occupe jamais que du droit moral. Que ferais-tu à ma place ? — Je suppose que tu ne connaisses pas M. Latour Saint-Ybars, que tu ne saches rien de lui ni de sa pièce. Suis-je engagé moralement par une permission que l’on m’a, jusqu’à un certain point, extorquée ? Peut-être ! Quand on prend pour unique base de conduite la délicatesse, il y a des degrés de plus et de moins qui embarrassent ; je te demande donc ce que tu ferais, parce que je sais que tu pars en tout de la même base que moi. Et puis autre chose : si ce rôle de l’Affranchi te plaît mieux à jouer entre deux habits noirs ; si tu dois éprouver la moindre contrariété à oublier un rôle appris pour le rapprendre plus tard ; si, enfin, l’auteur t’est sympathique et s’il est intéressant, je ne veux pas user de mon droit et j’attendrai les événements.

Voilà, cher enfant de mon cœur, ce que ton avertissement me fait dire et penser ; je n’oublie pas par