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vivions alors pour se jeter dans le catholicisme, que votre protestation est digne et légitime. Et moi aussi, j’ai marché un peu plus loin, en avant ou de côté, je l’ignore, en arrière peut-être. N’importe, j’ai réfléchi aussi, et je me suis insensiblement modifiée. Mais, tout en réclamant avec ardeur le droit que la science a de nous dire tout ce qu’elle sait, et même tout ce qu’elle suppose, je ne conçois pas qu’elle nous dise : « Croyez cela avec moi, sous peine de rester avec les hommes du passé. Détruisons pour prouver, abattons tout pour reconstruire. » — Je réponds : Bornez-vous à prouver, et ne nous commandez rien. Ce n’est pas le rôle de la science d’abattre à coups de colère et à l’aide des passions. Laissez le mépris tuer le surnaturel imbécile, et ne perdez pas le temps à raisonner contre ce qui ne raisonne pas. Apprenez et enseignez. Ce n’est pas avoir la vérité que de dire : « Il est nécessaire de croire que nous avons la vérité. » C’est parler comme le prêtre. La science est le chemin qui mène à la vérité, cela est certain ; mais elle est encore loin du but, soit qu’elle affirme, soit qu’elle nie la clef de voûte de l’univers.

Je ne vous chicane donc que sur ce que vous me dites dans votre lettre : « Il faut que la foi brûle et tue la science, ou que la science chasse et dissipe la foi. » Cette mutuelle extermination ne me paraît pas le fait d’une bataille, ni l’œuvre d’une génération. La liberté y périrait. Il faut que tous les esprits sincères cherchent, et que, par la force des choses, la vérité