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J’ai grand besoin, moi, d’un peu de soleil ; mais je souffre sans avoir mérité l’honneur de souffrir comme vous !

Votre lettre m’arrive au moment où j’allais vous souhaiter aussi une meilleure année ! Cher excellent ami, nos vœux se croisent ; mes braves enfants sont bien touchés aussi de votre souvenir. Nous voudrions mettre sur vos genoux notre petite Aurore pour que vous la bénissiez. Elle est si douce et si bonne qu’elle le mériterait !

Je ne vous ai pas écrit pendant cette crise romaine ; je ne sais pas jusqu’à quel point on peut s’écrire ce que l’on pense, sans que les lettres disparaissent. Cela m’est arrivé si souvent, que je me tiens sur mes gardes, le but d’une lettre étant avant tout d’avoir des nouvelles de ceux qu’on aime. Mais j’ai bien pensé à vous et nous avons souffert ensemble, je vous en réponds. L’avenir est étrange, il se présente avec des rayons, mais à travers la foudre.

Cher frère, je vous récrirai de Cannes, pour vous donner mon adresse, je passerai auparavant quelques jours à Paris.

Ayons espoir et courage quand même. La France ne peut pas périr, pas plus que l’âme qui est en nous et qui proteste à toute heure contre le néant.

Je vous aime bien tendrement et respectueusement.

G. SAND.