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Cadio, dont je suis l’auteur. Si ce fragment est dangereux, ce que je ne crois pas, pourquoi ceux qui l’ont cité seraient-ils plus blâmables que celui qui l’a écrit ? Dira-t-on qu’en rapportant un fait historique encore inédit, on a voulu raviver des haines mal assoupies ? Il est facile, en lisant toute la préface et tout le roman de Cadio, de voir que le but de l’ouvrage est diamétralement contraire à cette intention ; que l’auteur s’est, pour ainsi dire, absenté de son travail, afin de laisser parler l’histoire ; et l’histoire prouve de reste que les plus saintes causes sont souvent perdues quand le délire de la vengeance s’empare des hommes.

Si jamais l’horreur de la cruauté, de quelque part qu’elle vienne, a endolori et troublé une âme, je puis dire que le roman de Cadio est sorti navré de cette âme navrée, et que, pour conserver sa foi, l’auteur a dû lutter contre le terrible spectre du passé. Il est impossible d’étudier certaines époques et de revoir les lieux où certaines scènes atroces se sont produites sans être tenté de proscrire tout esprit de lutte et sans aspirer à la paix à tout prix.

Mais la paix à tout prix est un leurre, et celle qu’on achète par des lâchetés n’est qu’un écrasement féroce qui ne donne pas même le misérable bénéfice de la mort lente. Ce n’est donc pas par le sacrifice de la dignité humaine que l’on pourra jamais conquérir le repos ; c’est par la discussion libre, et par elle seule, que l’on pourra préparer les hommes à traverser les