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vierges, que l’on savait où trouver et que nous seuls connaissions, ont disparu, et la botanique sylvestre est au diable.

Refaire un roman berrichon ! non, je ne vous l’ai pas promis. Ce serait repasser par le chemin des regrets, et vraiment, à mon âge, il faut combattre une tendance si naturelle et si fondée. Il faut vivre en avant ; c’est la devise de notre pays, et, quoi qu’il m’en coûte de secouer mes souvenirs, je ne veux pas méconnaître ce que l’avenir peut nous apporter. Je ne veux pas être ingrate non plus envers la vieillesse, qui est aussi un bon âge, plein d’indulgence, de patience et de clartés. Si l’on me rendait mes énergies, je ne saurais plus qu’en faire, n’étant plus dupe de moi-même. Je voudrais revoir l’Italie, parce que ce sera une Italie nouvelle. Retrouverai-je la force d’y aller ? Ce n’est pas sûr ; mais je ne veux pas m’en tourmenter. Si j’en suis à mes dernières lueurs, je me dirai que j’ai bien assez fait le métier du chien tournebroche et que la vie éternelle est un voyage qui promet assez d’émotions et d’étonnements.

Priez donc Paul de Saint-Victor de me faire envoyer son livre[1] ? C’est un talent, ah ! oui, et un vrai. En lisant tant de chefs-d’œuvre jetés le matin dans un feuilleton comme des perles à la consommation brutale des pourceaux, je me demandais toujours pourquoi cela n’était pas rassemblé et publié. Je suis

  1. Hommes et Dieux