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malle était bouclée ; ta première lettre l’a attendu tous les jours à Nohant. Enfin, le voilà tout à fait en état de partir et il part demain matin avec son fils Alexandre, qui veut bien l’accompagner.

C’est bête d’être jeté sur le flanc et de perdre pendant trois jours la notion de soi-même et de se relever aussi affaibli que si on avait fait quelque chose de pénible et d’utile. Ce n’était rien, au bout du compte, qu’une impossibilité momentanée de digérer quoi que ce soit. Froid, ou faiblesse, ou travail, je ne sais pas. Je n’y songe plus guère. Sainte-Beuve inquiète davantage, on a dû te l’écrire. Il va mieux aussi, mais il y aura infirmité sérieuse, et, à travers cela, des accidents à redouter. J’en suis tout attristée et inquiète.

Je n’ai pas travaillé depuis plus de quinze jours ; donc, ma tâche n’est pas avancée, et, comme je ne sais pas si je vas être en train tout de suite, j’ai donné campo à l’Odéon. Ils me prendront quand je serai prête. Je médite d’aller un peu au Midi, quand j’aurai vu mes enfants. Les plantes du littoral me trottent par la tête. Je me désintéresse prodigieusement de tout ce qui n’est pas mon petit idéal de travail paisible, de vie champêtre et de tendre et pure amitié. Je crois bien que je ne dois pas vivre longtemps, toute guérie et très bien que je suis. Je tire cet avertissement du grand calme, toujours plus calme, qui se fait dans mon âme jadis agitée. Mon cerveau ne procède plus que de la synthèse à l’analyse ; autrefois, c’était le contraire. À présent, ce qui se présente à mes yeux,