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avant tout et par-dessus tout, de la foi au progrès, et ne pas s’embarrasser des pas en arrière qui n’empêchent pas le pas en avant du lendemain. Mais cette foi n’éclaire presque jamais les monarchies, et c’est pour cela que je leur préfère les républiques, où les plus grandes fautes ont en elles un principe réparateur, le besoin, la nécessité d’avancer ou de tomber. Elles tombent lourdement, me direz-vous ; oui, elles tombent plus vite que les monarchies, et toujours pour la même cause, c’est qu’elles veulent s’arrêter et que l’esprit humain qui s’arrête se brise. Regardez en vous-même, voyez ce qui vous soutient, ce qui vous fait vivre fortement, ce qui vous fera vivre très longtemps, c’est, votre incessante activité. Les sociétés ne diffèrent pas des individus.

Pourtant vous êtes prudent et vous savez que, si votre activité dépasse la mesure de vos forces, elle vous tuera ; même danger pour le travail des rénovations sociales ; et impossible, je crois, de préserver la marche de l’humanité de ces trop et de ces trop peu alternatifs qui la menacent et l’éprouvent sans cesse. Que faire ? direz-vous. Croire qu’il y a toujours, quand même, une bonne route à chercher et que l’humanité la trouvera et ne jamais dire : Il n’y en a pas, il n’y en aura pas.

Je crois que l’humanité est aussi capable de grandir en science, en raison et en vertu, que quelques individus qui prennent l’avance. Je la vois, je la sais très corrompue, affreusement malade, je ne doute pas d’elle pourtant. Elle m’impatiente tous les matins, je