Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 4.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

société comme dans ses régions les plus obscures et les plus assujetties ; si bien que, pour faire fortune, ou tout au moins pour échapper à la gêne, il ne s’agit plus de travailler à une tâche patiente et quotidienne, d’avoir les vertus du négoce et les inspirations de l’art ; mais il s’agit de comprendre le mécanisme des banques et le calcul des éventualités financières, de tenter des coups hardis, de bien placer son enjeu, de systématiser les chances du gain ; en un mot, de savoir jouer, puisque le jeu en grand est devenu l’âme de la société moderne.

Ce serait là, à coup sûr, un beau sujet de déclamation pour ceux qui n’entendent rien à ce que l’on appelle aujourd’hui les affaires ; mais, si l’on s’élève au-dessus de ses propres intérêts froissés dans cette lutte, si l’on se détache du sentiment personnel pour considérer la marche du torrent économique et le but, chez les artistes comme chez les politiques, vers lequel ses flots se précipitent, on est frappé de voir le salut général au bout de cette carrière ouverte à l’individualisme effréné.

On voit les capitaux s’élancer vers les conquêtes merveilleuses de l’industrie, et se mettre forcément, fatalement, au service du génie des découvertes. On voit le principe d’association se dégager comme le soleil du sein des orages, les machines remplacer les durs labeurs de l’humanité et de nouvelles industries ouvrir un refuge aux travailleurs, délivrés du métier de bêtes de somme et appelés à des occupa-