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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

pousser sur les tuiles des toits et le pain tout cuit dans les champs. Je vois bien que tu es un gros paresseux et que tu laisses tout aller à la diable.

Aucante, que j’attendais hier pour mettre sa lettre dans la mienne, me dit ce soir qu’il t’a répondu au sujet des livres : ainsi je n’ai plus à te parler que de tes chutes, qui me paraissent trop multipliées, et je commence à craindre une démolition. Tâche donc de faire vite fortune, afin d’aller toujours en voiture, et surtout de venir nous voir.

Je me livre au jardinage avec furie, par tous les temps, cinq heures par jour, avec Nini à côté de moi, piochant et brouettant aussi. Cela m’abrutit beaucoup, et la preuve, c’est que, tout en bêchant et ratissant, je me mets à faire des vers. Les premiers que je livrerai à la publicité me sont venus à propos de ce pauvre cher Planet, et je les ai faits tout en bêchant et en pleurant. Je ne les fais imprimer que dans le journal d’Arnaud[1], n’ayant plus l’Éclaireur, hélas ! et j’en interdis la reproduction ; car je ne me pique pas de savoir faire de bons vers, et je ne voudrais pas, à propos d’une tristesse sérieuse et vraie, servir d’aliment à une discussion littéraire. Je les ai faits pour moi d’abord, et puis je me suis dit que, la police ayant interdit aux amis du cher mort de prononcer un mot d’éloge privé sur sa tombe, une petite poésie où il n’y a pas la moindre allusion politique rem-

  1. Le directeur de l’Écho de l’Indre.