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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

à la clarté du soleil qui éclaire les doux rêves du poète comme à celle de la lampe qui éclaire les veilles contemplatives du savant, du philosophe, du spéculateur ou du critique. Voyez-vous, mon cher confrère, vous avez trop veillé à cette lampe pour connaître les hommes : vous ne connaissez plus que le papier écrit, et vous prononcez sur le fond quand vous ne devriez prononcer que sur la forme. Là, en fait de forme, vous avez été souvent un maître. Nourri de belles lectures et brillant d’érudition, vous avez écrit des pages exquises quand vous étiez sans passion et sans prévention. Mais vous n’avez rien d’un philosophe. Et, pour arriver à être un critique complet, il faudrait un peu de philosophie. Vous faites de la critique en artiste, avec des émotions, des boutades, des accès de poésie et des accès de spleen. Je ne me plains pas quand je vous lis : le talent que vous avez — quand vous ne vous pressez pas trop — désarme le jugement, dont vous froissez parfois les notions vraies. On s’écrie à chaque page : « Artiste, artiste, et non pas artisan ! Muse de théâtre et de poésie, et non pas Minerve Artisane ! jamais bourgeois, quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse ; car le bourgeois, dans son bon et beau type, est sage, équitable et conséquent. À celui-ci le lourd marteau de la logique, à l’autre la marotte brillante de la fantaisie. »

Vous ne connaissez plus les hommes quand vous essayez de les parquer en classes distinctes, en artisans, en artistes, en bourgeois, en rêveurs, en bo-