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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

tenant chez lui comme moi chez moi. Mais je ne m’apercevais pas de cela ; je le sentais tout près et je me disais qu’à toute heure, je pouvais le voir, lui écrire ou lui parler. Il a toujours été pour moi le plus sage et le plus réconfortant ami possible.

Vous dites bien, le voilà heureux et en possession d’une science sans mystères et de jouissances durables ; relativement au triste monde où nous passons cette vie d’un jour, si confuse, si incertaine et si troublée ; son sort est digne d’envie, j’en suis certaine. Mais nous ! Mon cœur est brisé autant de la douleur de ma pauvre Angèle[1] que de la mienne propre. Pauvre chère enfant, que de déchirements répétés ! Dites-lui combien je l’aime, surtout depuis la tendresse qu’elle a eue pour ma pauvre Nini et pour les larmes qu’elle lui a données ! Hélas ! je ne peux rien faire pour elle que de la chérir. Nous ne pouvons nous épargner les uns aux autres ces mortelles douleurs. Si on le pouvait, en se donnant soi-même à la place de ceux que la mort veut prendre !

Maurice me charge de lui dire, ainsi qu’à vous, combien il est affecté pour sa part (car ce pauvre ami avait été paternel pour son enfance) et pour celle qu’il prend à votre chagrin. Le pauvre enfant avait depuis hier seulement votre lettre, et je lui voyais quelque chose de triste, sans oser l’interroger. J’étais un peu malade, et il n’a voulu m’apprendre la vérité que ce

  1. Madame Angèle Périgois, fille de Jules Néraud.