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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

au soir ; mais nous avons couru par tous les temps.

Le jour de Pâques a été aussi un beau jour très chaud ; nous l’avons passé à Rome, où nous avons reçu la bénédiction urbi et orbi. C’est une cérémonie très vantée, mais qui n’est pas mise en scène avec art. Le goût français manque à toute chose, ici comme ailleurs. La nature s’en moque. Elle nous prodigue les fleurs que l’on cultive dans nos jardins avec respect. Ici, en plein désert, on marche sur le réséda, sur les narcisses, sur les cyclamens et mille autres fleurs adorables dont je vous fais grâce, à vous qui ne connaissez que les tulipes.

Et puis je ne veux pas vous raconter d’avance tout ce dont nous bavarderons à satiété à Nohant ; car, ici, tout est différent, depuis a jusqu’à z, de ce qui est chez nous. Hommes et bêtes, coutumes, idées, besoins, terre, plantes, air, c’est un autre monde. Je ne sens pas la puissance de séduction de ce pays autant qu’on me l’avait annoncé. Trop de choses sont en désaccord avec notre manière de voir et de sentir ; mais je reconnais qu’il est bon de l’avoir vu, ne fût-ce que pour aimer davantage cette douce France au ciel gris, où les hommes, si peu hommes qu’ils soient, sont encore plus hommes que partout ailleurs.

Sur ce, bonsoir, mon vieux. Je tombe de sommeil. J’ai reçu, ce soir, votre lettre du 4 avril. Vous vous étonnez du temps qu’elles mettent à voyager, les lettres ! Ah bien, je m’étonne, moi, du contraire, à présent que je vois comment sont arrangées ici les