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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCCXC

À M. JULES NÉRAUD, À LA CHÂTRE


Frascati, 14 avril 1855.


Cher ami,

Nous sommes à Frascati depuis quinze jours et voulons y rester encore une semaine. Maurice, après avoir été assez souffrant au début de notre installation, va si bien, qu’il ne songe qu’à manger, dormir et courir. Je suis ce régime pour mon compte et je m’en trouve assez bien, physiquement parlant. Quant au cerveau, c’est une atrophie complète. Se lever matin, faire cinq ou six lieues à pied tous les jours, rentrer affamée, tomber de sommeil après un affreux dîner de gargote que l’appétit fait trouver bon, je vous laisse à penser si c’est là une vie intéressante. Pourtant j’amasse, sans trop m’en apercevoir, des souvenirs qui m’intéresseront plus tard, quand j’aurai le loisir de songer à ce qui ne fait que passer devant moi maintenant.

C’est un admirable pays que nous parcourons, et bien digne de remarque pour s’ancrer dans les opinions qu’on y apporte d’ailleurs. La nature y est belle, surtout jolie ; car ne croyez pas un mot de la grandeur et de la sublimité des aspects de Rome et de ses en-