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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


À M. ***


« Nohant, 25 décembre 1863.


» Monsieur,

» Je suis franche, c’est pourquoi j’ai beaucoup d’ennemis. Je vois bien, à votre indignation contre mon ami Augier, que, si je ne trouve pas que vous soyez Schiller, vous m’accuserez de n’avoir pas de cœur. Soyez donc mon ennemi tout de suite, si vous voulez.

» Je refuse l’honneur que vous me faites de me prendre pour arbitre. Je ne rends pas de services sous le coup d’une menace, et ce n’est pas parce que vous me traitez d’impératrice que je perdrais le droit de vous dire que vous n’êtes pas Schiller, et que je ne suis pas Gœthe. Mais, si vous êtes réellement Schiller, consolez-vous, vous n’avez besoin de personne, vous ferez quelque jour un chef-d’œuvre que l’on s’arrachera. Il ne s’agit que de le faire ; moi, cela ne m’est pas encore arrivé ; on ne s’arrache pas mes pièces, on m’en a refusé plus d’une, et je ne m’en suis pas courroucée. Je me suis dit que je n’étais pas Gœthe.

» Et puis, si vous êtes Schiller, pourquoi offrir vos pièces aux Folies-Dramatiques, qui probablement refuseraient Schiller en personne, sans pour cela l’insulter ni le méconnaître, mais par la seule raison que son génie n’entrerait pas dans leur cadre ? Présentez