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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

cutables dans son oeuvre. Ne fût-ce que par la couleur et la vie, on est pénétré, en le lisant, d’une lumière plus nette sur le temps, sur le milieu, sur l’homme.

Je crois donc qu’il a mieux vu Jésus que nous ne l’avions entrevu avant lui, et je l’accepte comme il nous le donne. Ce n’est plus un philosophe, un savant, un sage, un génie, résumant en lui le meilleur des philosophies et des sciences de son temps : c’est un rêveur, un enthousiaste, un poète, un inspiré, un fanatique, un simple. Soit. Je l’aime encore ; mais comme il tient peu de place maintenant, pour moi, dans l’histoire des idées ! comme l’importance de son œuvre personnelle est diminuée ! comme sa religion est désormais bien plus suscitée par la chance des événements humains que par une de ces grandes nécessités historiques que l’on est convenu, et un peu obligé, d’appeler providentielles !

Acceptons le vrai, quand bien même il nous surprend et change notre point de vue. Voilà Jésus bien démoli ! Tant pis pour lui ! tant mieux pour nous, peut-être. Sa religion est arrivée à faire autant de mal pour le moins qu’elle avait fait de bien ; et, comme — que ce soit ou non l’avis de M. Renan — je suis persuadée, aujourd’hui, qu’elle ne peut plus faire que du mal, je crois que M. Renan a fait le livre le plus utile qui pût être fait en ce moment-ci.

J’aurais beaucoup à dire sur les artifices du langage de M. Renan. Il faut être courageux pour se plaindre d’une forme si admirablement belle. Mais elle est