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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

nages et que je n’ai que la mémoire du sujet, sans rien retenir des moyens d’exécution. Je n’ai pas été satisfaite de tout ; il s’en faut. J’ai relu l’Homme de neige et et le Château des Désertes. Ce que j’en pense n’a pas grand intérêt à rapporter ; mais le phénomène que j’y cherchais et que j’y ai trouvé est assez curieux et peut vous servir.

Depuis un mois environ je ne m’étais occupée que d’histoire naturelle avec Maurice, et je n’avais plus dans la cervelle que des noms plus ou moins barbares ; dans mes rêves, je ne voyais que prismes rhomboïdes, reflets chatoyants, cassure terne, cassure résineuse ; et nous passions des heures à nous demander « Tiens-tu l’orthose ? — Tiens-tu l’albite ? » et autres distinctions qui ne sont jamais distinctes pour les sens, en mille et un cas minéralogiques.

Si bien que, Maurice parti, cette étude qui, à deux, me passionnait, est retombée pour moi dans l’étude des choses mortes. Et puis j’avais perdu bien du temps et il fallait se remettre à son état. Mais, alors, votre serviteur ! il n’y avait plus personne. George Sand était aussi absent de lui-même que s’il fût passé à l’état fossile. Pas une idée d’abord, et puis, les idées revenues, pas moyen d’écrire un mot. Je me suis rappelé vos désespoirs de l’été dernier. Ah ! c’était bien autre chose. Vous n’êtes jamais tombé au point de ne pas pouvoir écrire trois lignes dans une langue quelconque ; vous ne vous êtes jamais promené dans un jardin avec la monomanie insurmontable de ramasser