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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

moi, comme si je le voyais ! vous devez sentir cela encore plus que moi, vous sa tendre mère. Il n’est donc pas parti, il ne nous a pas quittés. Il est invisible pour nous ; mais il nous aime toujours, en quelque lieu et sous quelque forme qu’il existe.

Nous lui devons autant, disparu, que nous lui devions quand il était là. Aussi vous lui devez de vivre avec courage, de prendre soin de vous, et de vous conserver jeune et forte pour soigner ce pauvre père souffreteux, qui ne vit que par les soins de l’affection et son propre courage. Et l’autre enfant, si beau et si bon, lui aussi, a besoin que vous l’aimiez, et tant d’amis dévoués, et nous qui ne faisons qu’un cœur avec vous dans cette mortelle douleur !

Le prince en a été déchiré aussi ; il m’a écrit une lettre désolée. Tout le monde l’aimait, ce cher être, si aimable et si expansif.

Maurice a été si bouleversé et si étouffé, que j’en ai été inquiète. Bonne amie, épanchez-vous avec nous ; parlez-nous de lui, de Frédéric, de vous, et de Georges.

Pleurez, ne vous retenez pas. N’ayez pas de courage et de réserve avec nous ; n’ayez de force que pour reprendre la vie de dévouement, et croyez que nous sommes à vous, Maurice et moi, corps et âme.

G. SAND.