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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Je le crois aussi, ce temps viendra. Nous sommes à peine arrivés à la première aube de notre existence intellectuelle et morale. L’Évangile de saint Jean sera un jour aussi clair que le soleil, et nous nous aimerons les uns les autres parce que nous serons bons et raisonnables. Nous n’aurons plus besoin de rois ni de papes, ni même de républiques. Personne ne prêchera plus la loi, qui sera dans tous les cœurs ; personne ne commentera plus la Bible pour demander à son examen la règle de sa conduite. Nous serons tous des anges dans la ville sainte.

Mais où est-elle ? dans une autre planète, ou dans celle-ci ? Pourquoi pas dans une autre ? Notre âme est libre, donc elle est immortelle et peut aller dans tous les mondes. Et pourquoi pas dans celle-ci ? Nous avons la notion de la perfectibilité et nous pouvons transformer, diviniser presque le monde où nos générations se succèdent en se léguant leurs travaux et leurs conquêtes.

Mais nous sommes loin du but, et, si l’idéal de Channing est beau et grand, s’il est réalisable, — j’en suis persuadée, — il ne l’est pas par la doctrine de l’individualisme. Cela, je le nie de toute ma conscience, de tout mon cœur et de toute ma foi.

Channing s’est trompé et beaucoup d Européens, séduits par l’audace de ce cœur optimiste, enthousiaste et léger, ont aimé cette tolérance religieuse qui était l’œuvre de notre XVIIIe siècle français.