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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCCLXXXI

AU MÊME


Paris, 28 octobre 1854.


Mon ami,

Vous vous calomniez quand vous dites : « J’ai agi dans un moment de surprise, en songeant plutôt à mes intérêts propres qu’à ceux de la cause. »

Non, ce n’est pas comme cela : vous avez cru sacrifier encore une fois votre vie et votre repos à l’intérêt moral de la cause. Moi, j’aurais eu, j’avais une autre appréciation de cet intérêt. Votre action n’en est pas moins pure et moins belle. Mais laissez-moi vous dire mon sentiment. Il y a les belles actions, et les bonnes actions. La charité peut faire taire l’honneur même. Je ne dis pas le véritable honneur, celui qu’on garde intact et serein au fond de la conscience, mais l’honneur visible et brillant, l’honneur à l’état d’œuvre d’art et de gloire historique. Cet honneur-là, de même que celui du cœur, s’est emparé de votre existence. Vous êtes déjà passé à l’état de figure historique et vous représentez, de nos jours, le type du héros, perdu dans notre triste société.

Laissez-moi pourtant défendre la charité, cette vertu toute religieuse, toute intérieure, toute secrète