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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

sans conditions, cela est dit officiellement. Je ne pense pas qu’il y ait une porte de derrière pour vous exiler après cette parole ?

Restez donc en France, si les pouvoirs de second ordre ne vous chassent pas. Ils ne l’oseront pas, j’espère.

Restez avec nous ; on s’amoindrit à l’étranger, on voit faux, on s’aigrit ; on arrive, par nostalgie, à maudire la patrie ingrate, et, par là, on devient ingrat soi-même. Venez à nous qui avons soif de vous voir ; rappelez-vous ce rêve doux et déchirant que je faisais encore, pendant que vous étiez en jugement à Bourges : je vous appelais à Nohant, je voulais vous y garder longtemps, refaire votre santé ébranlée, et vous demander de me donner, à moi, cette santé morale qui ne vous a jamais abandonné. Venez, venez ! dans huit ou dix jours, je serai à Paris pour une quinzaine, et je veux, de là, vous ramener à Nohant. Je vous y verrai, n’est-ce pas, tout de suite, à Paris ? Écrivez-moi un mot, que je sache où vous êtes. Moi, je demeure rue Racine, 3, près l’Odéon.

Il y aura des misérables, peut-être, qui diront que vous avez fait agir pour obtenir votre liberté. Oui, il y a, en tout temps, des calomniateurs, des lâches qui haïssent par instinct la candeur et la vertu. J’espère que vous n’allez pas vous occuper de cette fange. Moi, je me tiens sur la brèche pour cracher dessus ; j’ai une lettre, une dernière lettre de vous, où vous me dites ce qu’il y a dans celle que l’empereur a lue. Je