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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

mère pût descendre à pic dans une gorge profonde et remonter de même sur un sentier de chèvres. Mais je m’en suis très bien tirée, comme on dit à la Châtre. Je n’ai pas fait un faux pas, et, malgré cette gymnastique, violente pour mon âge mûr, je n’ai pas été du tout fatiguée. Il faisait chaud, par exemple, dans cette crevasse de calcaire uni ! Je ne sais pas si tu auras plus chaud en Afrique.

Le Ragas occupe le fond d’un amphithéâtre de cimes à pic, et dans le flanc du rocher qui en occupe le point central s’ouvre une immense fente noire tout encadrée de verdure. L’endroit est grandiose et charmant ; beaucoup de végétation sur ce chaos. Le gouffre a trois ou quatre cents pieds de profondeur. Il y a encore vingt mètres d’eau en toute saison. Après deux ou trois jours de forte pluie, tout le gouffre se remplit et déborde par cette fente, d’où l’eau se précipite en torrent dans la gorge et puis dans la Dardenne, dont nous avons vu le terrible lit à sec ; il n’avait pas assez plu ces jours-ci pour que l’on pût même voir l’eau au fond du gouffre. Ceci, avec les côtes du cap Sicier, est ce que j’ai vu de plus sérieux jusqu’à présent dans nos promenades. La Dardenne était magnifique, claire, ruisselante, bouillonnant en cascades d’opéra dans les gradins de pierre des moulins, ces travaux des moines qu’on pourrait prendre, s’ils étaient ailleurs et en ruine, pour des amphithéâtres romains.

Aujourd’hui, nous avons été à Sainte-Anne, au bout des gorges d’Ollioules, et nous avons découvert, tout