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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCCLXXVII

À M. CHARLES PONCY, À TOULON


Nohant, 16 juillet 1854.


Ne soyez pas inquiet de moi, mon cher enfant. Je me porte assez bien, je travaille, je reçois plusieurs amis ; c’est l’époque où la maison se remplit. Je ravale d’un air gai de lourds chagrins qui me viennent toujours d’où vous savez. On m’a repris ma petite-fille qui faisait toute ma joie. Et encore, si c’était pour son bien ! Mais les montagnes de douleurs qui noircissent ce côté de mon horizon seraient trop hautes, trop tristes à vous montrer. Et puis je n’en ai pas le courage, et plus je vois que je n’y peux rien, plus j’en souffre, plus j’ai besoin d’y penser sans rien dire.

Autour de moi, on est heureux, c’est tout ce que je demande pour me réconcilier avec la vie ; et j’ai du travail, c’est tout ce qu’on peut demander aux hommes pour accepter un lien avec leur société maudite et infortunée.

Je n’ai rien reçu de vous, mon enfant ; si vous m’avez fait un envoi, il s’est égaré. Cela arrive souvent de Toulon à Nohant. Envoyez donc toujours dans une lettre et ne vous inquiétez pas du port. J’en paye tant pour des envois qui m’embêtent, que