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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

excellent cœur uni à un si charmant caractère et à une si noble intelligence ! C’était un vrai ami, sans langueur et sans oubli dans son affection. Il ne se passait guère de mois sans que je visse arriver sa bonne écriture ronde et courante : des lettres courtes mais pleines, et parlant de sa femme avec une telle adoration ! Pauvre femme qui devait mourir avant lui ! C’était toute sa crainte, à lui. « Tous les chagrins, tous les déboires, disait-il, pourvu qu’elle vive ! » — Il est mort, et elle ne vivra pas ! Il faut bien croire que Dieu sait ce qu’il fait et que cette mort si redoutée des hommes est une récompense quand elle n’est pas la fin d’une expiation, couronne pour les bons, chaîne détachée pour les coupables.

Oui, vous avez raison de prendre la paix pour devise et pour idéal. Mais ne l’espérons guère en ce monde et méritons-la dans l’autre. Vous êtes bonne, ma chère Sylvanie[1], vous courez à ceux qui souffrent et pour eux. Vous méritez d’avoir sur cette terre plus de bonheur que toute autre et je vous garantis que vous en trouverez au moins dans votre cœur.

Je vous embrasse tendrement.

Voudrez-vous remettre ma lettre à cette pauvre femme, quand vous jugerez qu’elle lui fera plus de bien que de mal ?

Mes enfants vous aiment.

G. SAND.
  1. Nom de baptême de madame Arnould-Plessy.