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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

devoir de sa situation ; elle est active et résolue. Fallût-il beaucoup souffrir pour vous suivre, elle souffrirait sans se plaindre. Mais, Dieu merci, si vous l’appelez, elle n’aura pas à regretter le pays, du moins en tant que pays. On regrette toujours ses amis ; mais on en fait aisément de nouveaux à vos âges, et vous en trouverez dans ce pays de liberté. Vos fanfants auront, certes, un meilleur climat qu’à la Châtre, et ils deviendront plus forts et plus beaux encore sous ce beau ciel. Je parle comme si votre exil devait durer longtemps, chose que je ne crois pas ; mais je parle comme si j’étais à votre place, parce que j’ai gardé du Piémont un si cher souvenir, que, si je m’y installais une fois, il me semble que je n’en voudrais plus revenir de sitôt.

J’ai vu aussi, ce soir, les Duvernet, à qui j’ai fait part de votre lettre. Charles a toujours l’espérance de guérir, et il semble, aux prescriptions de son grand oculiste, qu’il y ait, en effet, une chance encore à espérer. Dans tous les cas, il ne s’affecte pas autant que nous le craignions. Il se distrait en dictant des opuscules littéraires qui l’amusent. Il a pris très vite l’habitude de dicter, et c’est, pour lui, un plaisir assez vif, et dont il parle avec feu. Il aime à faire lire ses petites comédies, et, comme de juste, nous les écoutons avec beaucoup d’intérêt et d’encouragement.

J’ai reçu des nouvelles de Francœur[1]. Il a fait, je

  1. Jean Patureau, interné en Algérie.