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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

très beau talent, et avec cela une facilité miraculeuse ; car l’ouvrage est énorme et traite de tout ; une mémoire étonnante de ce que vous avez vu, et une aptitude particulière, d’avoir pu le voir pour le sentir, tout en le voyant pour le retenir. Je n’en ferais certes pas autant. Je m’endors le cerveau à regarder une mouche et je laisse passer, sans y prendre garde, un flot de choses plus intéressantes. Croyez que votre livre est bon et que je m’y connais assez pour en être sûre en vous le disant. — Donc, si vous avez de très belles facultés, vous ne devez jamais vous décourager. Vous aurez autant de peines et de malheurs qu’un imbécile et vous les sentirez plus vivement ; mais, tout en étant beaucoup plus blessé de la vie que le vulgaire à grosse écorce, vous aurez cette énorme compensation qu’il n’a pas : le travail intelligent, attrayant, comme disent les fouriéristes.

Parlons d’affaires ; ce sera bientôt fait. Vous prendrez le temps qu’il vous faudra pour la publication nouvelle ; vous me donnerez seulement quelque argent si je viens à en avoir besoin, en échange du manuscrit.

Voici le titre, sauf votre avis : Christian Waldo. Vous me direz que Waldo n’est pas un nom suédois ; c’est possible, mais c’est là justement l’histoire. Ce nom intrigue, même celui qui le porte. Annoncez, si vous voulez, que le roman se passe au XVIIIe siècle, afin qu’on ne croie pas qu’il s’agit de quelque parent de Pierre Waldo, le chef des Vaudois.