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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Cavaignac a peut-être combattu le peuple pour lui conserver, malgré lui, cette inviolable souveraineté. Je ne sais. Il faut croire cela pour ne pas le haïr de s’être fait, en apparence, l’exécuteur des hautes-œuvres de la bourgeoisie.

Voilà, monsieur, mes idées sur notre malheur. Elles sont assez vagues, comme vous voyez ; car on n’a pas l’esprit bien lucide quand le cœur est si profondément déchiré. La foi dans l’avenir ne doit jamais être ébranlée par ces catastrophes ; car l’expérience est un fruit amer et plein de sang ; mais comment ne pas souffrir mortellement du spectacle de la guerre civile et de l’égorgement du peuple ?

Je vous remercie de la citation de Pascal que vous m’envoyez. — Elle est bien belle, en effet, et bien frappante. Vous me demandez dans quel journal j’écris. Je n’écris nulle part en ce moment du moins, je ne puis dire ma pensée sous l’état de siège. Il faudrait faire aux prétendues nécessités du temps des concessions dont je ne me sens pas capable. Et puis mon âme a été brisée, découragée pendant quelque temps. Elle est encore malade et je dois attendre qu’elle soit guérie.

Agréez, monsieur, et faites agréer à vos amis, l’expression de mes sentiments fraternels.

GEORGE SAND.