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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

pain aux pauvres que les autres. Ainsi je t’engage à ne pas aller flâner par là ; car on peut y être écharpé sans profit pour la bonne cause. S’il fallait que tu te sacrifiasses pour la patrie, je ne t’arrêterais pas, tu le sais ; mais se faire assommer pour Odilon Barrot et compagnie, ce serait trop bête. Écris-moi ce que tu auras vu de loin, et ne te fourre pas dans la bagarre, si bagarre il y a, ce que je ne crois pourtant pas.

Tu ne savais donc pas que Bakounine avait été banni par notre honnête gouvernement. J’ai reçu une lettre de lui il y a un mois environ, et je crois te l’avoir lue ; mais tu ne t’en souviens pas. Je lui ai répondu, avouant que nous étions gouvernés par de la canaille, et que nous avions grand tort de nous laisser faire. Au reste, l’Italie est sens dessus dessous. La Sicile se déclare indépendante, ou peu s’en faut. Naples est en révolution et le roi cède. Ces nouvelles sont certaines à présent. Seulement tout ce qu’ils y gagneront, c’est de passer du gouvernement despotique au gouvernement constitutionnel, de la brutalité à la corruption, de la terreur à l’infamie, et, quand ils en seront là, ils feront comme nous, ils y resteront longtemps. Non, je ne crois pas non plus à la chimère de Borie.

Nous sommes une génération de fainéants et le Dieu nouveau s’appelle Circulus. Tâchons, dans notre coin, de ne pas devenir ignobles, afin que, si, sur mes vieux jours, ou sur les tiens, il y a un changement à tout