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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

cas ; mais, sur trois hommes, dont il est le moins mauvais, pourquoi toujours Cabet ? À coup sûr, Blanqui et Raspail mériteraient plus de haine, et leur nom n’a pas été prononcé une seule fois. C’est qu’ils ne représentent pas d’idées, et que la bourgeoisie veut tuer les idées. Demain, on criera : À bas tous les socialistes ! À bas Louis Blanc ! et, quand on aura bien crié : À bas ! quand on se sera bien habitué au mot de lanterne, quand on aura bien accoutumé les oreilles du peuple au cri de mort, on s’étonnera que le peuple se fâche et se venge. C’est infâme ! Si ce malheureux Cabet se fût montré, on l’eût mis en pièces ; car le peuple, en grande partie, croyait voir dans Cabet un ennemi redoutable.

Nous suivîmes cette bande de furieux jusqu’à l’hôtel de ville, et, là, elle défila devant l’hôtel, où il n’y avait personne du gouvernement provisoire, en beuglant toujours le même refrain et en tirant quelques coups de fusil en l’air. Ces bourgeois, qui ne veulent pas que le peuple lance des pétards, ils avaient leurs fusils chargés à balle et pouvaient tuer quelques curieux aux fenêtres. Ça leur était fort égal, c’était une bande de bêtes altérées de sang. Que quelqu’un eût prononcé un mot de blâme, ils l’eussent tué. La pauvre petite mobile fraternisait avec eux sans savoir ce qu’elle faisait. Le général Courtais et son état-major, sur le perron, répondaient : Mort à Cabet !

Voilà une belle journée !

Nous sommes revenus tard. Tout le quai était cou-