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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCCLXIX

À JOSEPH MAZZINI, À LONDRES


Nohant, 15 décembre 1853.


Je n’ai pas cessé de vous chérir et de vous respecter, mon ami. Voilà tout ce que je peux vous dire ; la certitude que toutes les lettres sont ouvertes et commentées doit nécessairement gêner les épanchements de l’affection et les confidences de la famille.

Vous dites que je suis résignée, c’est possible ; j’ai de grandes raisons pour l’être, des raisons aussi profondes, à mes yeux, aussi religieuses et aussi philosophiques que vous paraissent celles qui vous défendent la résignation. Pourquoi supposez-vous que ce soit lâcheté ou épuisement ? Vous m’avez écrit à ce sujet des choses un peu dures. Je n’ai pas voulu y répondre. Les affections sérieuses sont pleines d’un grand respect, qui doit pouvoir être comparé au respect filial. On trouve parfois les parents injustes, on se tait plutôt que de les contredire, on attend qu’ils ouvrent les yeux.

Quant aux allusions que vous regrettez de ne pas voir dans certains ouvrages, vous ne savez guère ce qui se passe en France, si vous pensez qu’elles seraient possibles. Et puis, vous ne vous dites peut-être pas que, quand la liberté est limitée, les âmes franches et