Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 3.djvu/350

Cette page a été validée par deux contributeurs.
347
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

et je ne la dirai pas non plus, parce que je ne suis pas de votre avis qu’il faille toujours tout dire, et flageller les morts. La grande vérité, c’est que le parti républicain, en France, composé de tous les éléments possibles, est un parti indigne de son principe et incapable, pour toute une génération, de le faire triompher. Si vous connaissiez la France, tout ce que vous savez de l’état des idées, des écoles, des nuances, des partis divers à Paris vous paraîtrait beaucoup moins important et nullement concluant. Vous sauriez, vous verriez que, grâce à une centralisation exagérée, il y a là une tête qui ne connaît plus ses bras, qui ne sent plus ses pieds, qui ne sait pas comment son ventre digère et ce que ses épaules supportent.

Si je vous disais que, depuis quatre mois et demi, je fais des démarches, des lettres, j’agis nuit et jour pour des hommes que je voudrais rendre à leurs familles infortunées, que je plains d’avoir tant souffert, que j’aime comme on aime des martyrs quels qu’ils soient, mais que je suis quelquefois épouvantée de ce que ma pitié me commande, parce que je sais que le retour de ces hommes mauvais ou absurdes est un mal réel pour la cause, et que leur absence éternelle, leur mort, c’est affreux à dire, serait un bienfait pour l’avenir de nos idées, qu’ils en sont les fléaux, que leur parole en éloigne, que leur conduite répugne ou fait rire, que leur paresse bavarde est une charge, un impôt, pour de meilleurs qui travaillent à leur place et qui ne disent rien ! Il y a des exceptions, je n’ai pas besoin de