Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 3.djvu/349

Cette page a été validée par deux contributeurs.
346
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

trois ans, surtout depuis le programme de la Montagne, tous les républicains dans les provinces, tout le peuple de France s’intitulait socialiste, les partisans de Ledru-Rollin tout comme les autres ; et même ceux de Cavaignac n’osaient pas dire qu’ils ne fussent pas socialistes. C’était le mot d’ordre universel. Faites donc, si vous persistez dans votre distinction, deux classes de socialistes et nommez-les ; car autrement votre écrit est complètement inintelligible dans les dix-neuf vingtièmes de la France, et, si vous me dites que le parti Ledru-Rollin, qui était le seul parti nominal en province, s’est montré plus prudent, plus sage, moins vantard, moins discoureur que tout autre, je vous répondrai, en connaissance de cause, que ce parti, éminemment braillard, vantard, intrigant, paresseux, vaniteux, haineux, intolérant, comédien dans la plupart de ses représentants secondaires en province, a fait positivement tout le mal.

Je ne m’en prends pas à son chef nominal, parce qu’il n’était qu’un nom, nom plus connu que les autres et autour duquel se rattachaient, de la part des sous-chefs, de misérables petites ambitions ; de la part des soldats, des intérêts purement matérialistes et des appétits affreusement grossiers.

Je suis persuadée que Ledru est bien innocent de l’excès de ces choses, et, s’il eût triomphé, j’aurais aujourd’hui à le comparer à Louis-Napoléon, qui ne se doute seulement pas de tout le mal commis en son nom. Voyez-vous, la grande vérité, vous ne l’avez pas dite,