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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

en sais gré, et je puiserai dans cette justice de mes compatriotes un nouveau courage. Ce n’est pas la même chose ici. Il y a des gens qui ne peuvent croire au courage du cœur et au désintéressement du caractère ; et on m’abîme par correspondance dans les journaux étrangers. Qu’importe, n’est-ce pas ?

Si je vous voyais, je vous donnerais des détails sur mes démarches et sur mes impressions personnelles, qui vous intéresseraient ; mais je peux les résumer en quelques lignes qui vous donneront la mesure des choses.

Le nom dont on s’est servi pour accomplir cette affreuse boucherie de réaction n’est qu’un symbole, un drapeau qu’on mettra dans la poche et sous les pieds le plus tôt qu’on pourra. L’instrument n’est pas disposé à une éternelle docilité. Humain et juste par nature, mais nourri de cette idée fausse et funeste que la fin justifie les moyens, il s’est persuadé qu’on pouvait laisser faire beaucoup de mal pour arriver au bien, et personnifier la puissance dans un homme pour faire de cet homme la providence d’un peuple.

Vous voyez ce qui adviendra, ce qui advient déjà de cet homme. On lui cache la réalité des faits monstrueux qu’on accomplit en son nom, et il est condamné à la méconnaître pour avoir méconnu la vérité dans l’idée. Enfin, il boit un calice d’erreurs présenté à ses lèvres, après avoir bu le calice d’erreurs présenté à son esprit, et, avec la volonté personnelle du bien rêvé, il est condamné à être l’instrument, le