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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

et qui ne l’aiment pas, je sais qu’il n’est ni débauché, ni voleur, ni sanguinaire. Il m’a parlé assez longuement et avec assez d’abandon pour que j’aie vu en lui certains bons instincts et des tendances vers un but qui serait le nôtre.

Je lui ai dit : « Puissiez-vous y arriver ! mais je ne crois pas que vous ayez pris le chemin possible. Vous croyez que la fin justifie les moyens ; je crois, je professe la doctrine contraire. Je n’accepterais pas la dictature exercée par mon parti. Il faut bien que je subisse la vôtre, puisque je suis venue désarmée vous demander une grâce ; mais ma conscience ne peut changer ; je suis, je reste ce que vous me connaissez ; si c’est un crime, faites de moi ce que vous voudrez. »

Depuis ce jour-là, le 6 février, je ne l’ai pas revu ; je lui ai écrit deux fois pour lui demander la grâce de quatre soldats condamnés à mort, et le rappel d’un déporté mourant. Je l’ai obtenue. J’avais demandé pour Greppo et pour Luc Desages, gendre de Leroux, en même temps que pour Marc Dufraisse. C’était obtenu. Greppo et sa femme ont été mis en liberté le lendemain. Luc Desages n’a pas été élargi. Cela tient, je crois, à une erreur de désignation que j’ai faite en dictant au président son nom et le lieu du jugement. J’ai réparé cette erreur dans ma lettre, et, en même temps, j’ai plaidé pour la troisième fois la cause des prisonniers de l’Indre. Je dis plaidé, parce que, le président, et ensuite son ministre, m’ayant répondu sans hésiter qu’ils n’entendaient pas poursuivre