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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

devons accepter. » Je ne m’attendais guère à les voir arrêtés par réflexion quinze jours après, et, parmi eux, ceux de la Châtre, qui n’avaient été à aucune réunion, attendant mon retour, peut-être, pour savoir la vérité.

S’il en était autrement, si ce que je dis là n’était pas vrai, je n’aurais pas quitté ma retraite, où personne ne m’inquiétait, et mon travail littéraire, qui me plaît et m’occupe beaucoup plus que la politique, pour venir faire à M. le président et à son ministre un conte perfide et lâche. Je me serais tenue en silence dans mon coin, me disant que la guerre est la guerre, et que qui va à la bataille doit accepter la mort ou la captivité. Mais, en présence d’injustices si criantes, ma conscience s’est révoltée, je me suis demandé s’il était honnête de se dire : « Tant mieux que la réaction soit odieuse, tant mieux que le gouvernement soit coupable ; on le haïra d’autant plus, on le renversera d’autant mieux. » Non ! j’ai horreur de ce raisonnement, et, s’il est politique, alors je n’entends rien à la politique et ne suis pas née pour y jamais rien comprendre.

En attendant, le mal se fait et la souffrance tue le corps et l’âme. Le malheur aigrit les esprits. La défaite exaspère les uns, le triomphe enivre les autres, les haines de parti s’enveniment, les mœurs deviennent affreuses, les relations humaines fratricides.

Non, il n’est pas possible de se réjouir de cela et d’y applaudir dans son coin. En souhaitant que nos adversaires politiques soient le moins coupables en-