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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

car ils me semblent très beaux. Je ne m’y connais guère, quoique je les aime beaucoup. Mais ceux-là me paraissent pleins d’idées, et la forme en est belle, à coup sûr. Maintenant, est-ce que je mérite tout cela ? Non certainement ; mais, si vous le pensez de moi, sans en être vaine, j’en suis reconnaissante.

Je vois que vous êtes bien pénétré de la vérité dont j’ai fait ma méthode et mon but dans l’art, et je trouve que vous la dites mieux dans vos vers que je ne saurais la raisonner dans ma prose. C’est que la vérité, c’est l’idéal, dans l’ordre abstrait, comme le réel, c’est le mensonge. Dieu tolère le réel et ne l’accepte pas ; comme nous, nous aspirons vers l’idéal et ne l’atteignons pas. Il n’en existe pas moins, l’idéal, puisqu’il doit devenir réalité dans le sein de Dieu, et même, espérons-le pour l’avenir du monde, réalité sur la terre.

Je vous réserve depuis longtemps un exemplaire de mon œuvre complète illustrée, non pas pour vous condamner à tout lire, mais pour que vous l’ayez de moi en souvenir de moi. J’attends, pour vous en commencer l’envoi, qu’il y ait des volumes parus en parties brochées ; car ces feuilles volantes sont fort incommodes et deviennent tout de suite malpropres.

Embrassez Angèle et vos enfants pour moi, s’ils sont près de vous, et gardez-moi tous deux bonne place dans votre cœur. J’y tiens, vous le savez.

GEORGE SAND.